Défense et « serious game »
Vous n’êtes pas sans savoir que Checksix suit et encourage depuis des années les initiatives dans l’appropriation de solutions de « Serious Gaming » au sein des forces françaises.
Nous avons eu la chance de pouvoir échanger quelques questions avec le Commandant Simon , qui œuvre au sein du Centre d’expertise aérienne militaire de la BA 118 de Mont-de-Marsan.
Ce qui tombe plutôt bien, car l’Armée de l’Air et de l’Espace est présente au Forum Innovation Défense et présente justement ses solutions de préparation des forces !
Place aux questions réponses
C6 : Bonjour Commandant, nous entendons souvent l’AAE évoquer la Simulation Massive en Réseau, pouvez-vous nous éclairer sur ce sujet ?
AAE : Bonjour, le projet SMR, comme nous avons l’habitude de l’appeler, est un projet innovant qui se sert des technologies issues du jeu vidéo pour répondre à un besoin de préparation opérationnelle.
C6 : Quels sont les besoins et déclencheurs qui ont conduit la défense et en particulier l’AAE à envisager et mettre en place des solutions issues du serious gaming (DCS pour ne pas le citer) dans le cadre de la SMR ?
AAE : La préparation à la haute intensité !
Nous avons déjà des simulateurs pour la formation des pilotes et pour le maintien de leurs qualifications. Mais victime de leurs succès, il est difficile de rendre régulièrement disponibles tous les simulateurs en France pour des missions complexes.
L’idée la plus naturelle était donc de proposer une solution qui permet d’avoir un grand nombre de cabines et postes opérateurs, complémentaires aux simulateurs de haute-fidélité, destinés à des équipages et opérateurs déjà formés sur leur système, pour s’entraîner à la coordination tactique dense.
Concernant DCS, sachez que nous n’utilisons pas DCS, nous utilisons MCS, qui bien qu’ayant un moteur de simulation commun, n’est plus un jeu-vidéo, mais bien un outil professionnel.
De plus, MCS cohabite avec VBS, LotAtc et aussi Tacview. (NDC6 : qui, eux aussi, arrivent du monde du serious gaming).
C6 : Quelles sont les différences entre DCS (version grand public) et MCS votre version pro ?
AAE : Le premier ajout important pour nous en utilisant MCS est de pouvoir travailler en réseau isolé, il n’est pas question que le déroulement des entrainements se fasse sur internet. Il existe d’autres fonctionnalités ou d’autres capacités techniques qui ne se retrouvent que dans le monde de la simulation professionnelle, par exemple, pour permettre de se connecter à d’autres type de simulateur venant d’autres éditeurs/constructeurs.
C6 : Développez-vous vous-même des modules et utilisez-vous des devs d‘ ED/ tiers ou du grand public ?
AAE: Nous n’échangeons pas avec Eagle Dynamics, mais avec ED Mission Systems qui s’adresse exclusivement au monde professionnel, c’est deux entreprises pour deux mondes et deux usages très différents.
La question de développements des modules implique EDMS donc, mais aussi les constructeurs d’aéronefs, des entreprises, comme Jet Fighter Experience qui a fait le Mirage-2000D présenté aujourd’hui au Forum Innovation Défense, et enfin, aussi l’AAE.
Les activités de développement internes AAE sont faites à l’Equipe de Marque Simulation du CEAM à Mont-de-Marsan, mais aussi avec le CIET à Orléans, et même le CIEH à Orange.
C6 : Avez-vous créé ou fait développer des nouveaux théâtres d’ops ?
AAE : Nous avons cette capacité-là et il est envisageable de pouvoir sous-traiter ces travaux.
C6 : Cela doit être un projet compliqué et de longue haleine de faire rentrer, dans le monde de la défense, des outils issus du Serious Gaming ? Où en êtes-vous ? Expérimentation, déploiement, déjà opérationnel ??
AAE : C’est en effet un projet qui s’inscrit dans le temps, c’était d’abord un sujet d’exploration et d’innovation, puis de démonstration, pour prendre les retours d’expérience et détourer le périmètre du projet.
Aujourd’hui, nous sommes au début du passage à l’échelle de ce projet qui vise à terme à pouvoir connecter jusqu’à 150 cabines de pilotage, 100 postes opérateurs, directement depuis les bases aériennes opérationnelles.
C6 : Quel scope de l’entraînement des forces, est-il concerné par ces nouveaux outils ?
AAE : La préparation opérationnelle, la coordination tactique ou même la haute intensité. Le but du projet n’est pas d’apprendre à mettre en route son avion ou ses systèmes, c’est de les utiliser dans un contexte tactique riche d’entités et de communications !
C6 : L’accueil des forces ?
AAE : Impatient, car la puissance de permettre à tout le monde de pouvoir s’entrainer où l’on veut et sans les biais du temps de paix (couloirs aériens civils, mur du son au-dessus du territoire, etc…) permet d’avoir un environnement dont tout le monde va beaucoup apprendre ! Nous n’aurons jamais été aussi près du dicton « train as you fight! ».
C6 : La SMR pourrait-elle être utilisée en amont, à la préparation de mission par exemple ?
AAE : Le rehearsal est un des objectifs à long terme de la SMR en s’inscrivant pleinement dans la préparation opérationnelle.
C6: Quels sont les « matériels » (avion/Hlo, systèmes) inclus dans votre écosystème de préparation opérationnelle/entraînement
AAE : Le but est de retrouver notre flotte opérationnelle, mais aussi les systèmes de défense SOL-AIR.
Pour les systèmes, faisant de la fidélité ciblée, nous cherchons à retrouver dans le cockpit ce qu’utilisent les équipages en environnement tactique (navigation, radio, armement, mais pas de procédure de mise en route ni même de panne).
C6 : Quels sont les moyens « hardware » (hotas, stations, Cockpit, VR.) déployés.
AAE : Il est question de cabines de pilotage pour les chasseurs, transporteurs et hélicoptéristes comme ce que nous présentons aujourd’hui au Forum Innovation Défense, mais pas seulement ! Il est aussi question de postes opérateurs pour des contrôleurs de défense aérienne, des opérateurs de défense sol-air, et même de commandos (comme des JTAC).
Les cabines de pilotage sont issues d’un appel d’offres remporté par l’entreprise Jet Fighter Experience (entreprise française) et elles sont modulaires : nous pouvons changer leur disposition pour les transformer entre chasseurs/hélico’/transporteurs. Selon les missions, les équipages travaillent en VR ou en TrackIR.
Pour les HOTAS, comme présentés au Forum Innovation Défense, nous reproduisons avec l’AARAA de Mérignac des manches et manettes pour permettre aux équipages de s’entraîner sur tout le volet tactique sans risque d’entraînement négatif, permattant au chasseur de retrouver les mêmes boutons que dans son avion.
C6 : Pour le moment seul, l’AAE est concernée, mais cela est-il transposable ou déployable techniquement dans les autres armes (Rafale marine, ALAT ..) ?
AAE : Le projet est tout à fait ouvert à la préparation opérationnelle interarmées et c’est quelque chose que nous voulons faire.
C6 : Avons-nous une chance (nous civils et gamer) d’avoir accès » un jour à une version « non sensible de ces modules ?
AAE : L’Armée de L’Air et de l’Espace comporte aussi son lot de joueurs de jeu vidéo et c’est quelque chose que nous souhaiterions tous voir se concrétiser un jour. Mais la priorité est celle du besoin pour la préparation opérationnelle.
C6 : un grand merci pour ces échanges, avez-vous un message à passer ?
AAE : Le CEAM recrute ! Les opportunités du moment sont pour des étudiants en quête d’un stage. Si vous êtes intéressés par le développement ou la modélisation et surtout le secteur de la défense, que vous voulez découvrir le monde militaire en travaillant avec des industriels sur des outils au service des forces, je vous invite à postuler :
https://www.stages.defense.
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